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Nancy : l’élan vital de l’Institut de réadaptation

La figure en pont du nouvel Institut régional de réadaptation cultive le rapport à la ville et au quotidien sous un bandeau étincelant.

Le retour à la vie normale est le plus souvent un lent et douloureux parcours pour les accidentés de la route, du travail et de la vie en général. Au sortir de l'hôpital, des instituts spécialisés prennent en charge la rééducation fonctionnelle, et plus largement la réadaptation, selon diverses formules allant de l'hébergement aux soins ambulatoires selon la nature et la gravité du traumatisme. Le nouvel Institut régional de réadaptation (IRR) de Nancy, inauguré fin mars sous l'intitulé de Centre Louis-Pierquin, campe un ouvrage remarquable en limite de la ville historique. Implanté au bord du canal de la Marne au Rhin, il adopte le profil singulier d'un bâtiment en pont édifié sur pilotis de part et d'autre de la voie navigable. Tout sauf acrobatique, la figure s'explique par la volonté du maître d'ouvrage de s'installer à proximité immédiate du CHU, dont l'IRR est un prolongement indispensable, sinon l'extension logique. « Le foncier disponible étant trop exigu, nous avons saisi l'opportunité d'acquérir le terrain en regard sur l'autre rive avant de lancer le concours d'architecture », énonce Philippe Chevrier, directeur de l'Union de gestion régionale des caisses d'assurance-maladie (Ugecam Nord-Est). Dans l'impossibilité de faire tenir tout le programme sur une seule rive, l'agence Brunet-Saunier s'est résolue à passer le pont, en installant son projet des deux côtés à la fois. Déclarée lauréate sur cette idée téméraire, elle a su apporter une réponse fonctionnelle en dépit des contraintes liées au franchissement, surmontant l'obstacle de l'eau. « Le niveau de référence du bâtiment s'établit donc à la hauteur du pont, en conformité avec la réglementation des voies navigables et le tirant d'air imposé sous le tablier », explique l'architecte, Jérôme Brunet.

Du pont au plateau

Ainsi réglé en hauteur, l'établissement se déploie en plateau à 6 mètres au-dessus du sol, ne touchant terre que ponctuellement dans une série de locaux alignés sur le canal pour l'accueil et l'administration et dans un plot englobant le volume de la piscine. Affleurant le sol de l'étage, ce bassin conforte l'idée d'une ligne de flottaison régnant sur toute l'opération de part et d'autre du canal. Ce premier étage (abstraction faite du niveau d'entresol de l'administration) concentre toutes les salles de soins et de rééducation fonctionnelle, de la balnéothérapie à l'atelier de menuiserie, sans oublier les lieux de vie concentrés dans le pont. La réglementation des voies navigables a également fixé la largeur de ce « pont habité » au maximum autorisé de 8 mètres. « Le canal est incontestablement l'élément de charme de la composition », reconnaît Jérôme Brunet dont l'ouvrage court d'une rive à l'autre, ceinturé sur tout son pourtour, dans ses détours et ses cours, d'un parement plissé d'acier inoxydable poli miroir. « Ce rideau plissé se développe ainsi en bandeau sur 1,3 kilomètre, précise l'architecte, et présente de multiples variations à partir de la combinaison de trois éléments verticaux de 5 mètres de haut : larges plis, petits plis dédoublés et lames orientables sur pivot pour servir d'occultation ou de brise-soleil selon les fonctions et les orientations. » Les deux rives sont ainsi soudées dans la continuité du pont par un ruban étincelant qui signale l'établissement dans le paysage nancéen. En retrait sur le ciel, le second étage, réservé à l'hébergement, offre une capacité équivalente à l'hôpital de jour, respectivement de 115 lits et 120 places. Ce niveau d'attique distingue plusieurs maisonnées établies au-dessus de la nappe trouée de patios du plateau médico-technique. Il s'en démarque par une simple construction de maçonnerie, dont les enduits colorés affirment le caractère domestique en contraste avec le bandeau métallique du plateau.

Le dessous de cette construction en nappe surélevée et brillante constitue bien évidemment la part d'ombre de l'opération. L'ambiance de cet espace sous pilotis, d'environ 8.000 m2, était pour les concepteurs le plus grand pari du projet. « Epaisse de deux niveaux, la nappe est opportunément trouée de patios qui scandent l'espace de zones lumineuses », fait valoir Marc Chassin, responsable du dossier à l'agence. Ces trouées plantées au sol s'illuminent de vert comme autant de clairières alignées entre le macadam du parking installé à couvert et la sous-face du bâtiment peinte en noir mat. « La meilleure façon de faire disparaître ce plafond », assurent les architectes. Sous ce ciel noir doublé de dalles isolantes, le hall d'accueil et la salle de réunion largement vitrés s'éclairent en transparence sur le canal. Ambulances et taxis viennent au contact au terme d'un parcours sous le bâtiment. Cette présence de l'automobile peut sembler une pollution intempestive, mais elle exprime, outre l'aspect fonctionnel, la relation à la ville de ce lieu dévolu au retour à la vie. De plain-pied avec la chaussée, accessible et ouvert à ce niveau, l'établissement introduit la vie en son sein et la ville se glisse familièrement sous lui. Du sol aux étages, le regard embrasse les différentes strates, imbriquant salles et terrasses, plantations et parking, avec le ciel au-dessus et les voitures en dessous. Cette covisibilité cultivée par la stratification fonctionnelle ancre l'établissement dans le quotidien de la ville.

Pour compléter la figure, l'établissement se prolonge sur la rive opposée d'un institut de formation en ergothérapie (IFE) rajouté après coup, à la faveur d'une nouvelle acquisition foncière. Détachée du lot, cette école pour 200 élèves touche terre par un socle polychrome et participe de la composition d'ensemble par le ruban d'Inox plissé qui ceinture l'étage en continuité.


Source : www.lesechos.fr

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