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Quand nos parents vieillissent, prendre soin d’un parent âgé un livre dirigé par Pascal Dreyer et Bernard Ennuyer

Accompagner un parent âgé‚ c'est non seulement prendre en charge ses difficultés mais accepter sa propre condition‚ celle de vieillir et de mourir. Cet ouvrage‚ "Quand nos parents vieillissent"‚ dirigé par le sociologue Bernard Ennuyer et le conseiller Pascal Dreyer‚ revient donc sur les représentations que nous avons du vieillissement. Il illustre par ses multiples contradictions‚ le fait que‚ dans cette affaire‚ il n'y a pas de solution unique. Et si provoquer n'était qu'une autre manière d'alerter ?

Dirigé par Bernard Ennuyer‚ sociologue et directeur de l'association "Les amis service à domicile" depuis 1978 et Pascal Dreyer‚ ayant travaillé pour Handicap International et ayant créé Déclic (le magazine de la famille et du handicap)‚ cet ouvrage‚ publié aux éditions Autrement‚ souhaite aborder la vieillesse sous un angle particulier‚ "les relations qui s'établissent entre les enfants et leurs parents quand ces derniers deviennent vieux". Mais qu'est-ce qu'être vieux en France ?

 

"La vieillesse en France‚ une représentation sociale négative"

Comme le signale Bernard Ennuyer‚ le rapport Laroque (1962) établit que "l'entretien des personnes âgées inactives fait peser une charge de plus en plus lourde sur la population en activité. (…) Le vieillissement se traduit par le conservatisme‚ l'attachement aux habitudes‚ le défaut de mobilité‚ et l'inadaptation à l'évolution du monde actuel". Autrement dit‚ le rapport qui avait pour but d'étudier la place des personnes âgées dans la société‚ "commençait par assassiner ces personnes âgées". Ce qui est à nuancer car le premier‚ il fondait la reconnaissance d'un rôle social actif de l'individu vieillissant.

Mais‚ "le vieillissement‚ présenté comme une catastrophe sanitaire et sociale" est devenu un problème posé à la société‚ d'où le raccourci "le problème des personnes âgées".

Mais l'auteur ne l'entend pas ainsi et refuse de reconnaître un vieillissement de la population : "Cela voudrait dire qu'on accorde la même signification au fait d'avoir 60 ans en 2005 qu'en 1780". Alors qu'est-ce qu'être vieux ?

Pour les auteurs du livre‚ être vieux correspondrait à l'âge où commenceraient à apparaître "certaines incapacités importantes‚ soit autour de 83-85 ans". Est-on donc une "personne âgée" à partir de cet âge ? Pas le moins du monde pour Bernard Ennuyer qui pense que cette catégorie "n'a aucune réalité sociale et sociologique"‚ chaque personne étant différente (différence de genre‚ de statut matrimonial‚ de catégorie socioprofessionnelle‚ de zone géographique d'habitat).

On préfère différencier le troisième âge (les jeunes vieux) et le quatrième âge (les octogénaires et plus). Et à bas les préjugés négatifs sur la vieillesse‚ les problèmes posés‚ "les relégations au ban de la société" et vive la vieillesse comme accomplissement de sa vie ! Mais est-ce si simple quand on parle du vieillissement ?

Pas vraiment… Alors que les auteurs posent la vieillesse comme période de vie où apparaissent des incapacités importantes‚ ils refusent quelques pages plus loin de voir la vieillesse comme un "déficit biologique". Ils refusent aussi de parler des problèmes posés par le groupe "personnes âgées" (puisque chaque individu est différent) mais veulent faire de la vieillesse un enjeu collectif auprès des pouvoirs publics (développer des aides‚ des structures‚ n'est-ce pas une solution apportée à un problème ?).

Ils refusent une image problématique de la vieillesse (puisque selon l'enquête HID‚ seuls 5% des plus de 60 ans sont atteints par des incapacités sévères et 75% des plus de 80 ans vivent sans difficulté) puis reconnaissent que 50% des plus de 60 ans sont aidés par leur entourage ou par des professionnels… Ils refusent de parler de charge pour les proches mais reconnaissent que "les services rendus par l'entourage représentent 230 millions d'heures par an"‚ qu'il faut du temps‚ de l'organisation. Ils persistent à refuser de parler du groupe "personnes âgées" mais conseillent pourtant les accompagnants "avec la personne âgée"…

 

Aider à vivre ou à mourir ? Seulement une affaire de famille ?

Accompagner un proche âgé‚ c'est nécessairement prendre conscience de son propre vieillissement inéluctable mais aussi de sa mort : si mon parent meurt‚ le prochain sur la liste‚ c'est moi. Pas toujours facile à accepter‚ pas toujours simple de faire face… Comment accepter de vieillir ? Et dans quelles conditions ? Peut-on vivre vieux comme on vivait jeune ? Est-ce l'enjeu à viser dans le "bien vieillir" ? Et comment alors faire face au poids de tous les détails de la vie ordinaire qui posent problème au parent âgé (et qui nous poseront problème) ?

Annie apporte son témoignage : "Ce qui caractérise le vieillissement‚ c'est une évolution constante‚ imprévisible et rapide de la situation des personnes. Un jour tout va bien. Le lendemain‚ il faut repenser toute l'organisation de la vie pratique de la personne car elle a perdu un peu plus de son autonomie". De quoi être dépourvu‚ impuissant… C'est ainsi que le voit Jean-François : "Ce poids est celui d'un quotidien qui finit par se réduire à la gestion harassante d'un nombre infini de détails. (…) Les sentiments que j'éprouve sont contradictoires‚ paradoxaux. (…) Je m'emporte‚ je crie un peu".

Alors Pascal Dreyer conseille : "Pour vivre pleinement un accompagnement qui peut durer plusieurs mois ou plusieurs années‚ peut-être faut-il parvenir à l'envisager comme la création d'une relation à nulle autre pareille. Car accompagner ses parents est une expérience inédite". Annie est de cet avis : "L'accompagnement donne le courage de s'affirmer avec une assurance nouvelle". Mais Jean-François insiste sur le fait qu'il n'a plus de vie… Alors comment faire accepter une aide extérieure ? Comment apporter des soins ? Quel projet de vie pour le parent âgé ? Comment se faire aider ?

Pascal Dreyer s'en prend dans un premier temps aux professionnels de santé. Alors que les enfants prennent en compte le parent avec son histoire‚ sa vie et ont un regard positif sur la personne‚ les professionnels n'écouteraient que partiellement‚ n'entendraient que la plainte… Les proches jouent donc un rôle primordial et c'est là l'ambition de cet ouvrage‚ persuader de ce rôle irremplaçable. Pour culpabiliser ceux qui n'en ont pas la possibilité ? Plutôt pour appeler chacun à construire sa solution pour venir en aide à son parent…

Mais dans un ouvrage ciblant les proches‚ faut-il vraiment diaboliser les professionnels dont on a besoin ? Accepter de se faire aider par des professionnels n'est déjà pas simple car il faut avoir fait le deuil de l'image idéale des parents jeunes‚ autonomes et ne pas voir la prise en charge comme une réponse "stigmatisante et dégradante". Heureusement‚ quelques pages suffiront à l'auteur pour montrer que les actions conjointes des proches et des professionnels sont les meilleures solutions. Jean-François en est le premier conscient : "Si ces personnes n'étaient pas là‚ ma mère ne serait plus chez elle". Parfois‚ l'institution peut même être une réponse : cela "peut être l'occasion de la conquête d'une relation apaisée et sereine car débarrassée de la gestion des mille "détails" qui alourdissaient le quotidien".

Il n'existerait donc pas de réponse toute faite mais diverses solutions exprimées dans cette réflexion et à la fin de l'ouvrage dans un double cahier pratique rédigé par les services de la Caisse régionale d'assurance maladie Ile de France (Cramif) et la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Ce cahier présente les dispositifs d'aide‚ de prise en charge‚ les acteurs et structures d'accompagnement‚ les aides techniques‚ etc..

 

Et si alerter ouvrait le débat au lieu de "faire régner la terreur" ?

A la question posée par le Credoc‚ "A votre avis‚ qui doit s'occuper principalement des parents âgés dans le besoin ?"‚ les Français ont répondu à 73% en 1985 et à 75% en 1995‚ les enfants‚ et à 25 et 27% les pouvoirs publics. Mais il faut bien reconnaître "qu'il est très difficile‚ voire impossible pour des enfants de prendre soin de leurs parents vieillissants‚ sans heurts et contradictions". Serait-ce la raison pour laquelle l'ouvrage est emprunt de toutes ces contradictions ? Sans doute.

Pourquoi refuser à tout prix d'alerter quand on sait qu'il reste tant de choses à faire pour faciliter le "bien vieillir" (les enfants‚ seuls‚ n'étant pas une réponse unique et universelle) ? Pourquoi ne pas alerter pour changer les mentalités et accepter de vieillir ? Non pas pour "faire régner la terreur"‚ plutôt pour amener le débat…

Car en parler‚ n'est-ce pas aussi alerter ? Et n'avons-nous pas besoin d'avoir peur pour nous-mêmes pour prendre conscience des autres et de nos proches ? N'avons-nous pas besoin d'être alertés pour envisager des solutions‚ pour réfléchir et penser à la manière dont nous aimerions vieillir et mourir ? N'est-ce pas ce débat ouvert (avec plus ou moins de discernement) qui nous oblige à faire face à l'avenir ? Et qui fait se développer la politique d'aide des personnes âgées (développement des services‚ allocations‚ aide à domicile‚ etc.) ?

Finalement‚ cet ouvrage ne cherche-t-il pas à provoquer (comme les discours contre lesquels il s'insurge) pour mieux toucher‚ ou du moins toucher à sa manière ?


Source : www.seniorscopie.com

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