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Des assurances dépendance pour compléter la solidarité

Trois millions de Français sont déjà assurés contre le risque dépendance. Ce recours aux assurances privées, encouragé par Nicolas Sarkozy, constitue selon certains une remise en cause du principe de solidarité nationale.

En 2002, il y a eu la création de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Puis en 2005, l’instauration d’un jour travaillé supplémentaire, le lundi de Pentecôte. À chaque fois, les gouvernements Jospin et Raffarin ont affirmé sur un ton grave que ces réformes étaient nécessaires pour faire face durablement au problème de la dépendance.

Et puis aujourd’hui, voilà revenu le temps des déclarations solennelles. « Notre système de protection sociale doit relever un nouveau défi majeur : celui de la dépendance », a, à son tour, entonné Nicolas Sarkozy mardi dernier. Un défi que le président de la République entend relever en créant une cinquième branche de protection sociale, mais aussi et surtout, en développant l’assurance individuelle privée.

L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) a-t-elle été un échec ?

Non, elle a même connu un succès rapide et massif qui n’avait pas été vraiment prévu. Aujourd’hui, l’APA est versée à pratiquement un million de personnes âgées en France, dont 60 % vivant à domicile et 40 % dans des établissements. Financée par les départements pour les deux tiers et l’État pour le dernier tiers, cette allocation est destinée à prendre en charge des dépenses liées à la perte d’autonomie : aide- ménagère à domicile, aménagement d’une salle de bains, etc.

À quoi a servi la suppression du lundi de Pentecôte ?

La journée de solidarité permet de collecter chaque année environ deux milliards d’euros : 60 % de cette somme est destinée aux personnes âgées dépendantes, 40 % aux handicapés. Sur ces deux milliards, la moitié est versée aux départements pour financer l’APA et la prestation de compensation du handicap (PCH). Le deuxième million est redistribué à l’assurance-maladie pour financer les soins.

Pourquoi faut-il des financements supplémentaires ?

Pour faire face à l’augmentation très importante du nombre de personnes âgées dans les années à venir. Entre 2005 et 2015, on estime qu’au minimum 350 000 postes seront à pourvoir dans les métiers de la prise en charge des personnes âgées. Un secteur où il est aujourd’hui difficile de recruter. Pour attirer des candidats, il faudra renforcer l’attractivité de ces métiers, notamment au niveau salarial. Ce qui aura évidemment un coût.

Quel est le projet du gouvernement pour l’assurance privée ?

« Les investisseurs privés doivent investir davantage dans ce secteur, non pas en substitution de la solidarité nationale mais en complément. La dépendance des personnes âgées est le plus souvent un risque assurable qui peut être couvert en partie par des produits financiers innovants. Ces produits d’épargne longue doivent être fiscalement avantagés », a affirmé mardi dernier Nicolas Sarkozy, en précisant que ce chantier devra aboutir au premier semestre 2008.

Que représente le marché de l’assurance privée en France ?

Les assureurs ont commencé à développer des produits contre le risque dépendance à partir du milieu des années 1980. « Le marché connaît une croissance dynamique (…). La France est aujourd’hui, par le nombre de personnes couvertes, le premier marché européen de l’assurance dépendance », notait en mars un rapport remis au gouvernement. Selon la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), environ trois millions de Français sont actuellement couverts par un contrat dépendance, soit auprès d’une société d’assurance, d’une mutuelle ou d’une institution de prévoyance.

Comment fonctionnent les contrats dépendance ?

Il existe plusieurs sortes de contrats mais le principe de base reste le même : la personne verse une cotisation mensuelle à l’assureur qui, en échange, lui versera une rente mensuelle à vie si, un jour, elle devient dépendante. Le montant de la cotisation dépend de la rente versée et de l’âge du souscripteur. Un contrat souscrit à 60 ans coûtera moins cher qu’à 65 ou 70 ans. « Chez nous, pour une rente de 500 € mensuelle, le cotisant de 60 ans verse 25,49 € par mois.

Pour une rente de 1 000 €, il verse 50,30 € par mois », indique Jean-François Ropelewski, directeur marketing de la société AG2R. Évidemment, les assureurs posent leurs conditions. En général, ils refusent les demandeurs âgés de plus de 75 ans au moment de la souscription du contrat. Et tous les contrats comportent un questionnaire médical très détaillé. « Une personne avec une sclérose en plaques, par exemple, n’a aucune chance d’être acceptée », confie un assureur.

Quels arguments sont évoqués à l’appui d’une assurance privée ?

Le principal argument consiste à dire que la solidarité nationale n’est pas en mesure de prendre en charge l’ensemble des besoins d’une personne dépendante. Et que, donc, chaque Français doit se montrer « individuellement responsable » pour être en mesure de faire face, le moment venu, à ce risque de perte d’autonomie.

« Aujourd’hui, le montant moyen de l’APA est de 400 à 500 euros par mois. Or, le coût moyen auquel doit faire face une personne dépendante est, selon nos estimations, compris entre 1 500 et 2 500 euros par mois. Si la personne est totalement dépendante à domicile, la facture se monte à 6 500 euros par mois. Et une place en maison de retraite en région parisienne peut facilement atteindre 2 500 euros par mois », indique Jean-François Ropelewski.

Est-ce la porte ouverte aux inégalités ?

Tous les Français n’ont évidement pas les moyens de payer de 30 à 50 euros par mois pour s’assurer contre la dépendance. « Pour que l’assurance devienne accessible, on pourrait prévoir de déduire les cotisations de l’impôt sur le revenu. Et pour les personnes non imposables, on pourrait imaginer que le conseil général prenne en charge les cotisations », avance Alain Vasselle, sénateur UMP (Oise), qui a déposé en 2004 une proposition de loi en faveur des assurances dépendance.

« Nicolas Sarkozy propose que les Français comptent désormais sur leurs propres moyens pour faire face à la perte d’autonomie. C’est une remise en cause profonde de notre système de prise en charge solidaire de la dépendance », assure Luc Broussy, délégué national aux personnes âgées au Parti socialiste. « Cela peut s’avérer dramatique pour les revenus modestes, pour lesquels l’incitation fiscale ne joue pas », estime de son côté l’association des accidentés de la vie (FNATH), pour qui la dépendance ne peut être considérée comme un « bien marchand ».

Le recours sur succession va-t-il être rétabli ?

Pour Nicolas Sarkozy, il convient de prendre en compte les « capacités contributives » des personnes ainsi que leur patrimoine. « Si la famille ne veut pas exercer (ses devoirs), la société devra pouvoir se rembourser sur un patrimoine », a précisé le chef de l’État. Pour certains observateurs, ces propos marquent la volonté de rétablir le recours sur succession, qui existait avec la prestation spécifique dépendance (PSD), allocation remplacée par l’APA.

À l’époque, le département avait la possibilité, après le décès de la personne, de récupérer une partie des sommes versées sur son patrimoine. Cela était souvent mal vécu par les personnes âgées, dont beaucoup préféraient ne pas demander la PSD pour éviter qu’on vienne réclamer quelque chose à leurs enfants après leur mort. C’est la raison pour laquelle le recours sur succession a été supprimé pour l’APA.


Source : www.la-croix.com

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