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Les maisons de retraite face à la « maltraitance institutionnelle »

Quatre maisons de retraite seront hors la loi au 1er janvier, refusant de se soumettre à la forte dégradation de leur qualité de service.

La loi d’avril 99 prévoit la réforme de la tarification des établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées dépendantes. Cette réforme se caractérise par la signature entre l’établissement et les financeurs, l’Etat et le Conseil général, d’une convention pluriannuelle appelée Convention Tripartite. Au 1er janvier tous les établissements devront être médicalisés en recrutant directement du personnel, avec l’interdiction d’intervention de personnel extérieur. L’Etat doit en contrepartie assumer les rémunérations du personnel par une dotation globale. Ainsi, au premier janvier 2008, tous les établissements de plus de 30 places doivent avoir signé la convention, sinon ils ne seront plus autorisés à recevoir des personnes âgées dépendantes. Sur les 140 établissements du département, quatre résistent face à cette réforme qui aurait des conséquences très importantes sur la qualité de leur service (voir encadré). Les établissements ont bénéficié de délais successifs pour signer ces conventions, mais bien que la commission sociale de l’Assemblée nationale ait demandé un délai supplémentaire, le gouvernement a refusé de reporter la signature des conventions au-delà du 31 décembre prochain.

La partie médicale est à la charge de l’Etat, alors que la partie hébergement, l’animation et l’encadrement sont à la charge du département. Lors du débat budgétaire de jeudi au Conseil Général, le groupe de gauche s’est ému de la situation de ces établissements. "Cela fait des mois et des années que ces établissements sont en discussion avec l’Etat, et jamais ils n’ont reçu la moindre aide du Conseil Général pour que les dotations soient augmentées et répondent, au minimum, à ce dont ils ont besoin" a souligné Georges Labazée. "Allons-nous laisser faire une maltraitance institutionnelle dans les établissements des Pyrénées-Atlantiques ?" s’interroge André Duchateau conseiller général socialiste de Pau, constatant que plusieurs dizaines d’établissements ont signé la convention sous la contrainte, sans tenir compte des conséquences néfastes pour leurs services.

En ce qui le concerne, l’exécutif assure remplir sa part au sein des établissements et même au-delà avec 54 millions d’euros pour l’Aide personnalisée à l’Autonomie, que l’Etat n’a pas compensée malgré une augmentation des bénéficiaires de 500% en 5 ans.

La faute à l’Etat

"Jean-Jacques Lasserre décharge sa responsabilité sur l’Etat alors que les départements sont les chefs de file en matière sociale" a souligné le groupe de gauche.

L’Etat a inscrit à l’article 45 du projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il y aurait des sanctions à l’encontre des établissements qui n’auraient pas signé.

Le PS persiste pour dire qu’il n’existe pas de politique gérontologique dans le département, ce à quoi l’exécutif répond que le schéma départemental de gérontologie avait été adopté à l’unanimité des conseillers généraux, donc avec l’appui du PS. Et le PS de pointer que le seul intérêt du schéma était de lever le moratoire, soulignant le "manque de volontarisme de l’exécutif". "L’agitation ponctuelle dont fait preuve l’exécutif ne doit pas faire oublier des années d’inaction et de désintérêt" ont-ils souligné rappelant que depuis 1990, soit depuis 17 ans, le département aura connu 16 ans de moratoires partiels ou complets. "Les économies de bouts de chandelle que nous constatons toute l’année sont indécentes et inadmissibles" ont-ils souligné.

IIs condamnent les personnes âgées à avoir une seule douche par semaine

Laurent Pedelaborde directeur de la maison de retraite Eliza Hegi d’Ustaritz est outré par ce qu’il est en train de vivre. Son établissement, à but non lucratif, héberge 43 personnes depuis près de 25 ans. Aujourd’hui, il est contraint de signer une convention qui se traduira par la réduction d’un tiers de son budget. Il résiste donc à signer la convention au même titre que trois autres établissements du Pays Basque, Etxetoa à Souraide, Beaurivage à Biarritz et Marie Coudron à Bayonne. Pedelaborde rappelle que son établissement est médicalisé depuis plusieurs années, et qu’aujourd’hui l’établissement est reconnu pour son service de qualité grâce à un personnel expérimenté. "La dotation de base de la DDASS ne tient pas compte de l’ancienneté du personnel et voudrait que l’on paye des personnes qui ont 25 ans de métier comme si elles sortaient de l’école, et des jeunes qui sortent de l’école aux mêmes conditions des anciens" proteste-t-il. Il ne souhaite surtout pas faire de politique mais regrette que la nouvelle loi soit basée sur l’objectif de faire des économies sans tenir compte des besoins. Il remarque également que parmi les établissements qui ont déjà signé, certains commencent à s’inquiéter de leur avenir.

Questionné sur les solutions possibles qui se présentent à lui, le directeur de l’établissement uztariztar n’est pas très optimiste, rappelant qu’il dirige un établissement à but non lucratif dont les hébergés n’ont pas les moyens de payer plus, et dont la réglementation qui s’applique est très stricte. "Au 1er janvier, les personnes âgées auront besoin de leur toilette, comme au 31 décembre, elles auront besoin de leur douche, de leur sieste, il faudra les aider pour qu’elles se lèvent, qu’elles mangent et qu’elles marchent comme la veille" souligne-t-il. "Si on était une usine, ce serait très simple, on fermerait. Mais nous ne fabriquons pas de boulons" s’exclame le directeur. Et pourtant il faudra faire des sacrifices. "Les services de l’Etat et du département vont-ils accepter que l’on maltraite les clients, en ne leur offrant qu’une douche par semaine, en ne les emmenant pas à la sieste parce que l’on n’aura pas le temps de les relever, en leur faisant une toilette à toute vitesse alors qu’il faudrait 25 minutes par personne, et en les couchant à 23 heures ? C’est un vrai problème éthique qui se pose".

Au premier janvier, ils risquent de se retrouver hors la loi, mais ils refusent de choisir entre la peste et le choléra, "on acceptera ni l’un ni l’autre".


Source : lejournal.euskalherria.com

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