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Lutter contre la stigmatisation des personnes âgées

Un colloque médical a lancé des pistes pour limiter les risques d'exclusion des plus de 80 ans dont les ennuis de santé s'accompagnent souvent de problèmes mentaux.

Comment réduire la stigmatisation exercée à l'encontre des personnes très âgées, a fortiori vis-à-vis de celles fort nombreuses qui souffrent de troubles dépressifs liés à leur isolement, ou de symptômes évocateurs d'un début de détérioration intellectuelle ? Spécialistes du vieillissement, psychiatres, urgentistes, mais aussi sociologues et éthiciens se sont réunis la semaine dernière à l'occasion d'une journée organisée par le service de psychiatrie du Pr Jean-Pierre Olié et du Dr Thierry Gallarda au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris.

Certes on vieillit de mieux en mieux en France et dans l'ensemble des pays riches, l'espérance de vie en bonne santé ne cessant de s'allonger. Il y a un siècle, seule une personne sur dix dépassait les 65 ans. Aujourd'hui c'est le cas de neuf Français sur dix. Si les jeunes seniors vont globalement bien, au-delà de 80 ans les choses commencent à se gâter…

« Il existe un énorme décalage entre le discours officiel, celui d'une apparente prise de conscience du vieillissement, et le sort réservé aux personnes de plus de 80 ans, analyse le psychiatre Thierry Gallarda. D'un côté on valorise les nouveaux seniors, leur dynamisme, leur autonomie ; et de l'autre, il existe une très forte stigmatisation, du moins dans notre pays, dès que les difficultés inhérentes à l'âge apparaissent. » En fait, il existe un déni sociétal de la vieillesse à tous les niveaux.

« Et l'exclusion représente l'une des premières causes des difficultés de santé ultérieures des personnes âgées », assure le Pr Robert Moulias, président de l'Association internationale de gérontologie, ex-chef du service de gériatrie à l'hôpital Charles-Foix d'Ivry.

Pour le Pr Bernard Ennuyer, sociologue qui dirige un service de maintien à domicile, il serait plus judicieux de parler des vieillesses et non pas de la vieillesse, un terme passe-partout qui recouvre des situations fort différentes. « À 36 ans, on est vieux quand on est champion de tennis, on l'est même à 20 ans chez les gymnastes. Pour un directeur des ressources humaines de 35 ans, un salarié de 45 ans, c'est déjà un vieux. En fait, on est toujours le vieux de quelqu'un », constate-t-il, sarcastique. Tout dépend du curseur. Vieillir, c'est aussi le résultat d'un parcours social. Les cadres supérieurs ont ainsi huit années de plus d'espérance de vie que les manœuvres. C'est également une question de genre. Après 85 ans, il y a quatre fois plus de femmes. Mais elles ont plus souvent des difficultés financières, car leur retraite est bien inférieure à celle des hommes. « Or le premier facteur de risque d'un mauvais vieillissement, c'est la pauvreté », lance le Pr Moulias.

Outil éducatif

Sylvie Legrain, professeur de gériatrie, partage ses activités entre l'hôpital Bichat à Paris, et la Haute Autorité de santé, afin de mettre en place un référentiel destiné à améliorer la prescription médicamenteuse destinée à ces personnes âgées, très fragilisées. Car elles ont souvent plusieurs pathologies et prennent beaucoup de médicaments. «  Dans une institution hospitalière comme la nôtre, on se bat pour donner de la place aux plus de 80 ans, voire aux plus de 90 ans… Et pour les accueillir correctement , dit-elle. Mais les soignants ont trop souvent encore une perception infantilisante de ces personnes. » On leur attribue à tort des troubles du comportement ou des troubles cognitifs (confusion) alors qu'elles sont simplement traumatisées par l'arrivée brutale dans un service d'urgence.

Pour tenter d'y remédier, le Pr Legrain a mis au point un outil éducatif qui permet de mieux décrypter leur problématique sous-jacente. Un jeu, avec des phrases types écrites sur des cartes. La personne hospitalisée qui a du mal à faire passer ce qu'elle ressent avec des mots, va pouvoir s'en saisir : « Je me sens isolée », « je me laisse aller », « je n'ai plus envie de rien », etc.  En revanche, jamais aucun de ces patients ne se saisit de la carte dépression, (alors que certains en ont tous les symptômes), ils la refusent en bloc même.

« Un tel outil, mis au point dans un service de gériatrie aiguë, devrait être diffusé en médecine de ville ou en maison de retraite, espère le Pr Legrain. Pour redonner du pouvoir à ces personnes même très âgées, car elles ont forcément quelque chose à dire. »

De son côté, le Dr Laurence Hugonot a présenté un outil de sensibilisation et de formation des équipes à détecter la maltraitance sous forme de DVD-Alma (Allô maltraitance des personnes âgées). Son titre, volontairement provocateur : « Comment maltraiter un vieillard à domicile, en dix leçons. » Pour nous sensibiliser.


Source : www.lefigaro.fr

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