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Vieillissement des populations... De l’indispensable adaptation du logement en France

Organisée en partenariat avec l'institut de formation en ergothérapie Adere, la seconde journée d'étude de Leroy Merlin Source (LMS) a réuni le 8 novembre 2007 à Paris plus de 240 professionnels de l'habitat (architectes, constructeurs et promoteurs) et du médico-social (représentants des Pact-Arim, des MDPH, des caisses de prévoyance, travailleurs sociaux et ergothérapeutes).

Les constats avancés par les intervenants de la séance plénière de la matinée comme des praticiens des tables rondes de l'après-midi sont contrastés. Mais ils insistent tous sur un retard des politiques publiques et des mentalités dans la prise en compte du vieillissement et de l'adaptation du logement en France.

 

Par Pascal Dreyer, chargé de mission LMS

L'objectif des organisateurs de cette journée était clair. Alors que l'allongement de la durée de la vie de chaque Français et la modification en profondeur de la pyramide des âges sont une réalité de plus en plus prégnante, qu'en est-il de la prise en compte des besoins et attentes de l'habitant au fur et à mesure de son vieillissement et plus particulièrement dans la dernière partie de sa vie ?

En ouverture, Alain Colvez, directeur de recherche à l'Inserm, a rappelé que c'est moins l'allongement de la durée de vie de la population qui pose question que la nature des difficultés qu'elle rencontre progressivement au cours de son vieillissement. Depuis les années soixante, la santé des Français vieillissants s'est transformée, passant de maladies aigues à des états chroniques qui deviennent handicapants. Si les états chroniques n'empêchent pas les seniors de voyager et de vivre de manière active, leur évolution en états chroniques invalidants demande une adaptation et des aménagements progressifs de leurs activités, de leur logement, et de l'environnement urbain. C'est donc à une nouvelle conception de la cité et de l'habitat que nous invite l'évolution de la santé des Français dans les 40 prochaines années.

Dans une seconde intervention, Jean-Pierre Serrus, directeur de Accèsmétrie, a fait un constat sans appel de l'avancement de l'accessibilité dans notre pays. Malgré un contexte législatif parmi les plus contraignants au niveau international, la France est en retard. La loi de février 2005 sur l'égalité des chances des personnes en situation de handicap a défini un calendrier de mise en accessibilité des lieux accueillant du public à tous les types de handicap. Mais elle a aussi sensiblement accru la complexité d'une mise en œuvre qui doit désormais intégrer les besoins en termes de circulation, d'orientation, et de communication de toutes les personnes handicapées tout en restant simple. Les enjeux immédiats vont donc porter sur deux points. Le premier concerne la formation des urbanistes, des architectes, des professionnels chargés du suivi des travaux, et des professionnels chargés de la vérification d'une application cohérente et pertinente des textes. Mais par qui ? Le second touche au financement de cet ambitieux chantier d'adaptation du bâti. La collectivité va-t'elle accepter de financer les surcoûts liés aux adaptations ? En aura-t'elle les moyens ?

Dans la troisième intervention, Elian Djaoui, psychosociologue, a décrit une dimension souvent oubliée par les concepteurs de logements : la dimension psychique du chez soi. Essentielle pour chacun de nous, cette dimension prend un poids de plus en plus important au fur et à mesure du vieillissement. L'organisation objective et subjective de notre logement répond à trois besoins psychiques : la sécurité (contre des dangers réels ou imaginaires), la protection de l'intimité (dont les états affectifs), la valorisation de son identité dans la relation aux autres. Lorsque la personne devient dépendante de ses proches ou d'une aide technique ou professionnelle, le logement tend à moins répondre à ces besoins fondamentaux. Le chez soi s'ouvre à des interventions et à des équipements vécus comme des intrusions. Le sentiment de sécurité s'efface, la protection de l'intimité devient impossible tout comme la valorisation de son chez soi, envahi littéralement par le déambulateur, le lève malade ou l'appareil pour lire en gros caractères. Dans la conception du logement qui anticipe le vieillissement de son habitant tout comme dans l'adaptation de l'existant, l'enjeu est de conserver à l'habitat ses fonctions essentielles et à la personne la jouissance d'un espace qui n'appartient qu'à elle.

Pour terminer la matinée, François Terrier, directeur de production, et Cyril Douhard, ingénieur, de Bouygues Constructions, ont présenté la réflexion du constructeur en matière de conception de logements adaptés. Confrontés à l'exigence de mise en œuvre rapide de la loi de février 2005, ils ont imaginé la nouvelle distribution des espaces et des pièces pour un logement de 45m2. Là encore, répondre aux besoins des personnes à mobilité réduite suppose une évolution nette des modes de vie auxquels nous sommes habitués. Ainsi pour favoriser la circulation d'une personne en fauteuil, le séjour est diminué au profit de la chambre, la cuisine est intégrée dans le séjour, et les WC sont placés dans la salle de bains. Autant de propositions qui ne correspondent pas exactement aux habitudes de vie des Français. Ces choix induits par la loi satisferont-ils les attentes des personnes en situation de handicap qui sont également des citoyens ordinaires ?

Cyril Douhard a également exposé la complexité de mise en œuvre de la loi pour un concepteur à partir de deux exemples. Le premier concerne l'espace des toilettes lorsqu'il est indépendant. Il est prévu de le diviser par une cloison facilement modulable. Mais le texte de loi ne définit pas exactement le caractère de « facilité » de mobilité de cette cloison. L'habitant doit-il pouvoir faire seul cette transformation ? Ou doit-il faire appel à un professionnel ? La réponse à ces deux questions aura des conséquences directes sur l'isolation, la maniabilité et l'usage qui sera fait de l'espace disponible.

Le second exemple concerne l'organisation et l'équipement des halls d'entrée en tenant compte des besoins de circulation, d'orientation et de communication de toutes les personnes en situation de handicap. Problème : les textes officiels proposent une superposition des solutions techniques et non une mise en œuvre cohérente et hiérarchisée des équipements (portes automatiques, vitrages, visiophone, signalétique, éclairage, etc.). Comment concevoir une réponse pour tous à partir d'exigences légitimes mais catégorielles et dont la hiérarchisation n'a pas été pensée ?

Les débats des tables rondes de l'après-midi ont conforté l'analyse des intervenants de la matinée. L'accessibilité de la cité comme l'adaptation du logement aux besoins d'une personne en situation de handicap ou en perte d'autonomie demandent que tous les acteurs concernés, depuis le concepteur du logement jusqu'à l'intervention de la famille et des professionnels de l'aide, en passant par les financeurs publics et privés, collaborent et travaillent à une lecture globale de ces questions et à une conception globale (universelle) de la réponse.

Mais pour penser et concevoir cette lecture et cette réponse globales aux besoins de la population, il semble urgent de prendre en compte dès à présent son évolution en terme de santé dans les prochaines années. La loi a enrichi la définition initiale des besoins en terme de circulation par celle des besoins en matière de communication et d'orientation. Encore faut-il rendre lisible, cohérente et visible cette articulation qui ne concerne plus seulement les personnes en situation de handicap de moins de soixante ans mais les personnes vieillissantes et âgées.

Les ergothérapeutes sont, avec les architectes, au cœur des problématiques d'évolution du chez soi. Ils ont donc une responsabilité particulière tant dans l'évaluation des besoins que dans le choix et l'accompagnement des solutions qui seront proposées aux personnes et à leurs familles. Dans une visée prospective, ces professionnels ont évoqué leur souci d'une évolution du regard du plus grand nombre sur les difficultés que peuvent rencontrer les personnes vieillissantes dans leur logement. Ils souhaitent contribuer aux actions innovantes de sensibilisation, d'information et de prévention des situations de désadaptation habitant/habitat mise en œuvre par les acteurs publics et privés.

Enfin un acteur grand public comme Leroy Merlin participe activement à l'évolution des mentalités et des conceptions de l'habitat. En développant une communication pédagogique permanente au travers de ses supports de communication, l'entreprise souhaite aider les Français à faire évoluer leur habitat en fonction de leurs besoins. Pour cela, des relations toujours plus étroites peuvent être tissées avec des professionnels de l'habitat et du monde médico-social. L'enjeu est, là encore, de rendre cohérent et lisible pour le consommateur - habitant - citoyen, les interventions des acteurs qui s'adressent à lui. De Leroy Merlin à l'intervention de l'aide au domicile en passant par les architecteurs et les constructeurs, des coopérations, collaborations et réflexions communes doivent permettre de concevoir dès aujourd'hui un habitat évolutif pour demain.

Les actes complets de cette journée seront publiés en ligne au cours du premier trimestre 2008 sur les sites de Leroy Merlin Source et de l'Adere.


Source : www.senioractu.com

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